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J'ai aimé d'un amour fou. D'un amour que je pensais éternel.
J'avais dix-neuf ans, la peau encore lisse et le cœur imprégné d'arrogance. Lui, c'était Samuel. Il avait un sourire trop rare pour être oublié, un caractère remarquablement doux et une personnalité qui lui était propre.
Nous nous retrouvions sous le grand chêne du petit bois, à l'abri du monde et des regards indiscrets. Il parlait peu, mais ses silences en disaient plus que toutes les paroles. Nous marchions longuement, parfois sans échanger un mot, bercés par le froissement du vent dans les feuilles et le chant lointain d'un rossignol. Je savais qu'il m'aimait. Il ne me l'avait jamais dit, mais je le sentais dans la façon dont ses doigts frôlaient les miens, dans la manière dont son regard se perdait sur mon visage comme s'il voulait en graver chaque ligne.
Un soir d'été, sous un ciel gorgé d'étoiles, il m'a tendu une lettre. Son visage était grave.
— Lis-la, m'a-t-il dit.
Le papier tremblait dans mes mains. Les mots dansaient sous mes yeux : une déclaration, simple, sincère, fiévreuse. Il me demandait de le suivre, de quitter cette ville, de choisir l'inconnu avec lui.
Mon cœur battait à tout rompre. J'aurais dû dire oui. J'aurais dû courir dans ses bras, rire, pleurer, lui dire que sans lui, la vie n'aurait plus la même saveur.
Mais je suis restée figée. L'orgueil, la peur, un sentiment d'injustice... Pourquoi me demandait-il de tout abandonner ? Pourquoi ne pouvait-il pas rester ?
Je lui ai rendu la lettre sans un mot. Son regard s'est voilé. Il a attendu, espérant sans doute un sursaut, une supplique, une larme. Rien.
Le lendemain, il est parti.
Les jours ont passé. Puis les mois. Puis les années. J'ai appris qu'il s'était marié, loin d'ici. Je n'ai jamais su s'il était heureux.
Le crépitement du feu me ramène au présent. J'observe mes mains fatiguées, tachées par le temps. Le vieux journal repose sur mes genoux, ses pages jaunies couvertes d'une encre tremblante.
Je referme le cahier. À travers la vitre, le jardin est figé sous le givre. L'hiver est là, et avec lui, les ombres du passé.
J'ai aimé d'un amour fou. D'un amour que je croyais éternel.
Et il l'était.
Mais moi, je l'ai compris trop tard.
Par Lauren Anaël RABARY